Yellow #21 : Les Femmes Seniors, Oubliées? Invisibles? Sous-payées?
Être une femme senior, c'est souvent être ignorée dans le monde professionnel, malgré expertise et expérience. Il est temps de regarder ces inégalités en face et de valoriser leur contribution.
Le Yellow Mood : L’indifférence face à l’injustice
Les femmes seniors sont les grandes oubliées du monde du travail. On les laisse tomber, et personne ne réagit. Invisibilisées, moins payées, écartées des postes de pouvoir, elles subissent une double peine : celle d’être femme et celle d’être en fin de carrière. Pourtant, elles ont travaillé, contribué, porté des entreprises, élevé des enfants, et aujourd’hui, elles sont mises de côté, victimes d’inégalités systémiques que l’on refuse de voir.
Il est temps d’en parler.
Il est temps d’agir.
Et voici notre agenda du jour :
Les Yellow data, qui vont franchement vous faire pleurer
Un - petit - éclairage international : ce n’est pas parce que ça progresse peu ailleurs qu’on ne doit pas s’en occuper
Le yellow insight, l’égalité F/H pour le bénéfice de tous et toutes - c’est notre dada.
Les Yellow bonnes pratiques : il y a des leviers efficaces : en avant pour la rétention des femmes seniors
Les Yellows précieuses ressources, à enregistrer et partager
Les Yellow Data : Les chiffres qui prouvent l’injustice
L’écart de salaire au cours de la carrière reste élevé :
Selon une étude de l'Insee, en 2022, le revenu salarial moyen des femmes dans le secteur privé était inférieur de 22,2 % à celui des hommes. Cet écart s'explique en partie par un volume de travail annuel moindre chez les femmes, qui sont moins souvent en emploi et occupent plus fréquemment des postes à temps partiel. À temps de travail égal, l'écart salarial se réduit à 13,9% en 2024 .
Les inégalités salariales varient selon les catégories professionnelles. Par exemple, chez les cadres, l'écart est de 4 %, tandis que chez les ouvriers, il atteint 12,9 % - Source : Statista
L’impact sur les pensions de retraite est douloureux
Ces écarts salariaux ont un impact à très long terme puisqu’ils se traduisent par une différence notable dans les pensions de retraite.
En France, les femmes perçoivent en moyenne une pension inférieure de 40 % à celle des hommes. Et comme leur espérance de vie est plus longue (86 ans) que celle des hommes (80 ans) - Source Insee 2024. On peut légitimement dire qu’elles vivent plus longtemps avec moins d’argent.
Ça s‘améliore un peu puisque la DREES nous dit qu’en 2022, une femme qui part à la retraite n’a plus qu’un écart de pension de 27%. Ça ne va pas assez vite.
Plusieurs facteurs expliquent cette disparité, et nous devons en prendre conscience : chaque geste en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes au travail tout au long de la vie professionnelle aura un impact sur une retraite plus équitable.
Congés maternité et parentaux : Pendant longtemps, les absence liées à la maternité ont affecté les politiques RH, freinant considérablement les augmentations et les promotions des femmes. La mesure de majoration de 10 % de la pension pour les femmes ayant eu trois enfants visent à compenser partiellement cet impact - Source Ag2rlamondiale
Temps partiel : Les femmes occupent 75% des temps partiels, souvent pour des raisons familiales. Cette situation impacte considérablement les revenus et les cotisations.
Les métiers très féminisés sont le plus souvent moins bien payés (éducation, retail, service à la personne, notamment).
Les femmes sont moins nombreuses parmi les cadres : les femmes de plus de 50 ans ne représentent que 38% des cadres du même âge.
Il est essentiel de continuer à œuvrer pour l'égalité salariale et de mettre en place des politiques visant à réduire ces écarts, afin d'assurer une plus grande équité tout au long de la vie professionnelle et une retraite digne pour les femmes.
Les dirigeantes : encore et toujours une minorité
Aujourd'hui, 27 % des femmes occupent des postes dans les instances dirigeantes des entreprises de plus de 1 000 salariés, en nette amélioration, et presque au niveau des objectifs fixés par la loi Rixain, qui requiert 30 % de femmes dans ces instances dirigeantes d'ici le 30 mars 2026. C’est un objectif réalisable, surtout après le succès de la loi Copé-Zimmermann:
Loi Rixain : La loi vise à augmenter la part des femmes dans les instances dirigeantes pour atteindre 30 % d’ici mars 2026 et 40 % d'ici mars 2029. Toutes les entreprises de plus de 1000 personnes sont concernées - Source: Ministère du travail.
Loi Copé-Zimmermann : Adoptée en 2011, cette loi a fixé des quotas dans les conseils d'administration. Grâce à cette loi, entre 40 % et 60 % des sièges dans les conseils d’administration sont désormais occupés par des femmes. Ce qui montre que l’impact des quota est favorable et permet une nette accélération - Source : Vie publique, sciences po. La France est d’ailleurs championne du monde sur ce partage du pouvoir au sein des Conseils, et on notera avec intérêt que l’économie française n’a pas collapsé en cours de route.
Mais, la loi Rixain est plus exigeante : Il est en effet plus difficile d’importer des talents féminins pour féminiser les instances de direction donc à des postes opérationnels exécutifs, que de trouver des administratrices indépendantes. Cette loi nécessite donc de créer en interne une filière durable de talents féminins prêts à prendre ces jobs, et d’en assurer la rétention.
Un éclairage international : des pas de lilliputiens
En 2024, l’OIT, l’organisation internationale du travail fait état d’une timide amélioration du salaires des femmes :
en 2005, quand un homme recevait 1 dollar, une femme percevait 47 cents.
en 2023, la femme reçoit désormais en moyenne mondiale : 52 cents.
En Europe, les salaires des femmes progressent plus vite : 62 cents en 2024, contre 54 en 2005, pour 1 dollar gagné par un homme.
Le taux d’emploi des femmes de 55 à 64 ans en Europe est de 58% pour 57% en France, donc pas très différent.
Malheureusement, nous n’avons pas trouvé les data pour des pays comme l’Allemagne, ou la Suède, dont les taux d’emploi des seniors sont très élevés et qui pourraient nous donner d’intéressantes indications. Si vous en avez, n’hésitez pas à nous les partager pour faire avancer notre réflexion commune.
Le Yellow Insight : Pourquoi l’égalité femmes-hommes sert toute la société
L’égalité femmes-hommes ne profite pas uniquement aux femmes : elle est bénéfique pour l’ensemble de la société, y compris pour les hommes.
Quand on y réfléchit bien, il ne s’agit pas de défendre les femmes au détriment des autres. En aucun cas. C’est plutôt d’une révolution de société dont on parle.
Qui a encore envie de vivre dans une société genrée qui met autant de pression sur les femmes que sur les hommes. Pour preuve, certains stéréotypes ont la vie dure, comme le montre le dernier baromètre du sexisme du HCE:
64% des femmes et 71% des hommes pensent que pour être respectés dans la société, les hommes doivent prendre soin financièrement de leur famille
60% des femmes et 63% des hommes pensent que les hommes, pour être respectés dans la société doivent réussir leur carrière : vlan pas le droit à l’échec
35% des femmes et 44% des hommes pensent qu’un homme doit avoir l’esprit de compétition
29% des femmes et 37% des hommes pensent que pour être respecté dans la société, un homme doit savoir se battre.
21% des femmes et 32% des hommes pensent que pour être respecté dans la société, l’homme ne doit pas montrer ses émotions.
C’est contre ça aussi qu’il faut se battre et ainsi éviter que toute cette pression masculiniste ne tourne au drame et ne vienne expliquer que 96 % des détenus en prison sont des hommes - Source: Ministère de la Justice, 2023.
Ce constat soulève des questions profondes sur les modèles de société qui valorisent la force et la domination. Ces valeurs, largement véhiculées par la culture dominante, finissent par définir la norme de la "virilité", souvent au détriment du bien-être des hommes eux-mêmes. Une telle norme, en perpétuant des comportements agressifs, contribue à l’exacerbation des violences systémiques.
Les Yellow Bonnes Pratiques : Agir maintenant et construire la rétention des talents féminins.
Commencer par les chiffres : Mettre en place une analyse systématique des datas RH par sexe et par âge : recrutement, promotion, augmentation, évaluation, salaires, temps partiels. Tout doit être validé selon les critères d’âge et de sexe.
Inscrire ce sujet à la gouvernance DEI, et s’assurer que les datas, les stratégies et les progrès sont incarnés et défendus par l’équipe de leadership.
Mettre en place des plans de carrière pour les femmes seniors, avec des formations adaptées et un accès facilité aux postes de direction. S’assurer que les seniors en général et les femmes seniors en particulier sont inclues dans les viviers de talents, les filières d’expatriations, les programmes d’accélération de carrières.
Prévoir une enveloppe systématique pour les rattrapages d’écarts de salaires. Si vous comptez sur l’enveloppe des augmentations de performance, ça ne marchera jamais.
Inclure des cours de finances personnelles dans les programmes de développement des talents. Libérer le rapport à l’argent.
Augmenter les salaires des femmes à leur retour de congé maternité, comme le prévoit l’index EGAPRO, et ne pas écarter les mères des promotions, comme on ne penserait jamais à le faire pour les pères.
Pousser les pères et les co-parents à prendre leur congé de naissance/parent. C’est bon pour leur famille, c’est bon pour leur partenaire et aussi pour l’égalité. (rappel environ 1/3 des pères ne le prennent pas)
Encourager des modèles féminins forts en entreprise, en valorisant le mentorat et l’accompagnement des talents féminins.
Utiliser les leviers de EGAPRO (seules 75% des entreprise concernées déclarent leur index) et de la loi Rixain, pour accélérer, monter en puissance les carrières de femmes et fidéliser une force de travail essentielle. Je vous laisse d’ailleurs imaginer la guerre de talent dans certains secteurs très peu féminisés, comme le bâtiment ou l’automobile ou encore l’IA : toutes les entreprises cherchent à recruter dans un vivier très petit. Penser rétention c’est stratégique.
Conclusion : L’heure de l’action, c’est maintenant - ce mois de Mars, n’oubliez pas les femmes seniors. Ni tous les jours du reste de l’année, d’ailleurs.
Nous ne pouvons plus rester spectatrices et spectateurs de cette injustice. Les femmes seniors ne doivent plus être les grandes oubliées du monde du travail. Il est temps d’appliquer des mesures concrètes, d’utiliser le levier des lois existantes et d’aller encore plus loin. Parce que la diversité et l’égalité sont une chance pour tous et toutes, pour une société plus juste, plus performante et plus humaine. Pour les hommes, comme pour les femmes.
Les précieuses Yellow Ressources : Pour aller plus loin
Insee, relayé par Oxfam et Statista sur les écarts de salaires
Rapport annuel sur l’emploi et les questions sociales 2024 de l’OIT (Organisation Internationale du Travail).
Étude Ethics & Boards sur la place des femmes dirigeantes
Étude de la DREES sur les retraites et les minima sociaux, mettant en évidence les inégalités entre hommes et femmes
L’INSEE toujours, pour tous les sujets de démographie
Le Baromètre des discriminations dans l’emploi du Défenseur des droits, focus senior
Le baromètre 2024 du sexisme, du HCE
Ministère de la Justice, données 2023 : chiffre des détenus en France
Newsletter Yellow Letter – Où sont les femmes ?
Les flamboyantes, Qui veut la peau des femmes de 50 ans et plus? Un livre de Charlott Montpezat
Plaff, Place aux femmes fortes, le podcast de la merveilleuse Claire Flury
Force Femmes : l’association qui accompagne le retour au travail des femmes de plus de 45 ans, pour s’engager, mais aussi pour recruter des femmes absolument formidables.